by Jinan Limam (Université de Carthage)

Le 25 juillet 2022, un référendum a été organisé en Tunisie pour adopter une nouvelle Constitution. Elaboré dans un contexte marqué par l’état d’exception décrété par le Président de la République depuis une année (le 25 juillet 2021), la nouvelle Constitution se substitue à celle de 2014, considérée comme responsable de l’échec du système politique et des crises politiques récurrentes de la deuxième République (2014-2022). Selon le discours officiel, ce nouveau texte opère une rupture avec la Constitution précédente qui a amené, par sa lettre et dans sa mise en œuvre (et surtout absence de mise en œuvre) vers une démocratie spectacle ou une démocratie de façade. Le texte procède ainsi à la liquidation de certains choix considérés comme les sources essentielles de la crise systémique qui a sévèrement touché le pays pendant les dernières années provoquant la déliquescence de l’Etat et l’émiettement du pouvoir, dont notamment : la nature hybride du système politique, causant des crises récurrentes avec l’effritement du pouvoir exécutif et l’hégémonie du Parlement ; la prolifération de la corruption dans tous les secteurs et l’impuissance de la justice d’y faire face ; la menace de l’unité de l’Etat du fait d’une décentralisation exacerbée ; la confiscation du champ publique par des structures intermédiaires, notamment certains partis politiques, associations et syndicats, qui ont usurpé la volonté populaire et étaient parfois des vecteurs de corruption et de violence.

Si ce diagnostic est largement partagé, force est de constater que les réponses apportées par la nouvelle Constitution ne sont pas appropriées et augurent d’un passage d’une démocratie en trompe l’œil a une « démocrature». Ce terme nous renvoie à cette réalité de régimes hybrides qui ne sont ni des démocraties ni des régimes autoritaires restrictifs. Selon la science politique, la «démocrature» est marquée par un fort présidentialisme et l’utilisation de mécanismes de la démocratie directe, le maintien des élections compétitives mais où les manipulations institutionnelles atteignent un tel degré qu’on ne peut les qualifier de démocraties. Ce virage se vérifie aussi bien au niveau du processus d’élaboration de la nouvelle Constitution qu’ au niveau de son fond, d’autant plus que le processus de rédaction de la Constitution exerce une influence importante sur le contenu, la pérennité et l’appropriation de la Constitution par le peuple.

1- Un contexte politique problématique

Sur la base de l’article 80 de la Constitution, le Président de la République a décrété le 25 juillet 2021 l’état d’exception pour une période initiale de 30 jours, période qui a été reconduite par la suite pour une période indéterminée ! Les mesures prises ont permis la concentration provisoire de tous les pouvoirs par le Président, et cela par le biais du gel de l’Assemblée des représentants du peuple et de la cessation des fonctions du chef du gouvernement et de certains de ses ministres. Il s’agit d’une situation inédite qui dépasse largement la Constitution car il est clair que l’activation de l’article 80 a été effectuée en rupture avec la lettre et l’esprit de l’article. Celui-ci exige en effet, que l’Assemblée des représentants du peuple soit en état de session permanente pendant toute la durée d’application des mesures et interdit d’entraver l’action du gouvernement. De surcroit, en l’absence de la Cour constitutionnelle, la détermination de la durée et du contenu de ces mesures exceptionnelles relève exclusivement du pouvoir discrétionnaire du Président de la République.

Bien que la conformité de ces mesures à la constitution soit discutable, leur légitimité est indéniable compte tenu de la déliquescence des institutions de l’Etat et la gravité de la crise sanitaire, politique et économique qui a sévèrement touché le pays.

Cette situation est aussi l’effet boomerang de tant de convoitise, et d’instrumentalisation politicienne ayant bloqué la mise en place de la Cour Constitutionnelle. Ainsi la mise en œuvre défectueuse de l’article 80 n’est que l’un des maillons dans la chaine de violations successives de la constitution depuis 2014.

En outre, la rédaction floue et lacunaire de l’article 80 de la constitution et l’absence de réglementation juridique détaillée de l’état d’exception ont permis de réconforter le Président dans cette posture unilatéraliste. Les pouvoirs de crise auraient dû être réglementés de façon aussi détaillée et précise compte tenu du risque d’abus des pouvoirs.

En outre, il est important de rappeler que l’article 80 n’est pas l’instrument adéquat pour résoudre la crise multidimensionnelle qui sévit dans le pays car il s’agit d’une crise en grande partie structurelle et non conjoncturelle, qui exige des réformes profondes et dépasse donc le potentiel des pouvoirs de crise de l’article 80. De plus, la concentration des pouvoirs entre les mains du seul Président ne peut pas offrir unilatéralement des solutions pour ces différents chantiers. De plus, la prolongation sine die des pouvoirs de crise inhérents à l’état d’exception fait craindre des dérives autoritaires et des atteintes à l’Etat de droit.

Certes le pouvoir de crise est consacré un peu partout dans les constitutions contemporaines. Il est fondé sur l’hypothèse selon laquelle, dans certaines situations d’urgence politique, militaire,

économique, sanitaire…le système de limitations du gouvernement constitutionnel doit céder le pas au pouvoir accru de l’exécutif avec toutefois des mécanismes renforcés pour contrôler sa durée et les mesures prises durant cette période. Mais même en cas d’état d’exception, le principe fondamental de l’État de droit doit prévaloir. L’État de droit se compose de cinq principes fondamentaux : la légalité, la sécurité juridique, la prévention des abus de pouvoir, l’égalité devant la loi et la non-discrimination et l’accès à la justice. Ces exigences s’imposent aussi en Tunisie compte tenu de sa ratification du pacte international sur les droits politiques et civils et sur la base de la jurisprudence tunisienne consacrant le caractère permanent des droits et des libertés même en cas de suspension de la constitution.Depuis le 25 juillet 2021, il est clair qu’il y a une volonté politique d’enterrer la Constitution de 2014, considérée comme responsable de l’échec du système politique de la deuxième République. Ainsi, le décret présidentiel n°2021-117 du 22 septembre 2021 portant encadrement de l’état d’exception constitue le premier pas vers l’abrogation de la Constitution de 2014. Il s’agit d’un texte sur le fonctionnement provisoire des pouvoirs publics (comme ceux qu’on avait connu le 23 mars 2011 et le 16 décembre 2011). Ce décret opère un changement radical du système politique en renforçant les pouvoirs du Président au détriment du gouvernement et du Parlement, auquel il s’est substitué en légiférant par décrets-lois. Le décret a procédé également à la suspension de l’application de la Constitution, à l’exception du « préambule de la Constitution, ses premier et deuxième chapitres et toutes les dispositions constitutionnelles qui ne sont pas contraires aux dispositions du présent décret Présidentiel. Enfin, l’article 22 du décret prévoit la mise en place par le Président d’une commission qui l’assiste dans l’élaboration des projets de révisions relatives aux réformes politiques

2-Un processus constituant clivant

Le processus de réformes a abouti à l’adoption d’une nouvelle Constitution par voie référendaire le 25 juillet 2022 et l’élaboration, toujours en cours, d’un nouveau cadre juridique régissant les élections, en préparation de l’élection législative anticipée du 17 décembre 2022. Mais dans les deux cas, l’emprise du Président de la République sur le processus d’élaboration est bien présente.

Concernant le processus d’élaboration de la nouvelle Constitution, si rédaction du projet a été confiée à un comité d’experts désigné par le Président de la République, son adoption s’est faite directement par le peuple par référendum. Formellement, cette option figure parmi les procédés démocratiques d’élaboration des Constitutions. Elle n’est pas moins démocratique que l’option de la rédaction et l’adoption du projet de la constitution par une assemblée constituante élue.

On rappellera, pour mémoire, que l’actuelle Constitution française a été rédigée en 1958 par un groupe d’experts et non par une assemblée constituante et qu’elle a été ratifiée ensuite par referendum. Sa légitimité est donc incontestable puisque le peuple s’est prononcé par voie référendaire.

Toutefois, le contexte de l’élaboration marqué par l’état d’exception et l’inflation des pouvoirs présidentiels soulève des interrogations sur le caractère véritablement démocratique et inclusif du processus référendaire.

Le comité chargé d’élaborer le projet de Constitution, présidé par le doyen Sadok Belaid, avait comme mandat d’effectuer son travail à la lumière des résultats de la consultation nationale électronique, organisée du 15 janvier au 20 mars 2022 sur les propositions d’options futures en matière politique, électorale, sociale, économique et culturelle1. Or, cette étape préparatoire, aussi innovante soit-elle, a été marquée par un faible taux de participation des citoyens et des citoyennes. En effet, selon les statistiques officielles, 534 915 citoyens ont participé à la consultation, soit 366 210 hommes et 168 705 femmes. De surcroit, la majorité des participants à la consultation ont clairement opté pour la révision et non l’abrogation de la constitution de 2014. Tous ces facteurs questionnent la légitimité du référentiel politique servant comme toile de fond pour la nouvelle Constitution.

En outre, la composition du comité et ses travaux manquèrent de transparence et d’inclusion. De plus, le Président et le comité sont dans un rapport hiérarchique dans la mesure où le Président dispose à titre exclusif du pouvoir décisionnaire ; le comité avait seulement un pouvoir consultatif ce qui a laissé au Président la latitude de modifier le projet qui lui a été présenté par le doyen Sadok Belaid. D’ailleurs, la polémique autour du projet de Constitution publié au journal officiel le 30 juin et ses différences substantielles avec le projet élaboré par le comité consultatif est révélatrice d’une approche présidentielle centralisatrice et verticale.

Quant à la phase de l’adoption, si le référendum est un instrument démocratique permettant l’expression d’une volonté populaire authentique, force est de constater qu’il peut être perverti et revêtir la portée d’un plébiscite quand l’exercice est dominé par des enjeux personnels du détenteur du pouvoir. La personnalisation du referendum constitutionnel est bien palpable tout au long du processus et elle ressort clairement des sondages d’opinion.

Bien que la participation de la population au vote soit globalement acceptable avec un taux avoisinant le 30, et que le oui l’ait largement emporté, la légitimité finale de l’exercice peut être affectée par une large abstention et une mauvaise prestation de l ISIE qui porteront atteinte à la crédibilité du processus ainsi qu’à l’appropriation du nouveau texte constitutionnel et sa pérennité.

3-Un contenu mitigé

La nouvelle Constitution se veut la garante à la fois d’un système politique stable et d’une véritable démocratie qui tire sa légitimité initiale et permanente de la volonté du peuple et où les individus jouissent de leurs droits et libertés. La Constitution est un acte fondateur par lequel une société se constitue une identité et décide de l’ordre sociétal voulu. Elle a pour objet de déterminer la forme de l’État, d’organiser les institutions, de consacrer des droits et les libertés et définir les modalités de leur protection et de déterminer les règles de production des normes. Or, sur ces trois plans, les choix du projet de la Constitution sont critiquables dans la mesure ou ils convergent vers l’établissement d’une démocrature.

– Le volet institutionnel

La nouvelle Constitution vise à rompre avec le système politique mixte/hybride mis en place par la Constitution de 2014, et de le remplacer par un régime présidentiel, et cela pour des motifs liés essentiellement à la recherche de l’autorité et l’efficacité de l’État ainsi que de la stabilité politique qui ont fait défaut depuis 2011.

Toutefois, le nouveau système politique n’a pas su trouver l’équilibre souhaité entre les exigences de la démocratie- Etat de droit et les exigences d’efficacité et de stabilité politique, faisant converger le régime vers le présidentialisme. Le présidentialisme se rapporte à la reprise du régime présidentiel (modèle américain) mais le terme revêt une connotation péjorative dans la mesure où cette reprise correspond dans la réalité à un exercice autoritaire du pouvoir par le Président de la République. En effet, le déséquilibre est la caractéristique majeure dans la répartition horizontale des pouvoirs législatif, exécutif et juridictionnel et dans la répartition verticale des pouvoirs entre le pouvoir central et les collectivités territoriales. Le partage du pouvoir, clé de voute de tout système constitutionnel démocratique, a été considéré comme synonyme d’émiettement du pouvoir.

L’hégémonie présidentielle découle notamment d’une séparation des pouvoirs illusoire avec un exécutif monopolisé par un Président omnipotent et omniprésent au regard de ses attributions exécutives, un large pouvoir d’initiative du président en matière législative, y compris pour les lois référendaires, avec un droit de veto législatif, et l’exercice d’un pouvoir règlementaire étendu, …Cette inflation des attributions du Président contraste avec l’immunité du Président contre toute forme de responsabilité politique ou pénale pendant et après son mandat, battant ainsi en brèche le principe démocratique fondamental de la concomitance entre pouvoir et responsabilité.

En revanche, le pouvoir législatif désormais bicaméral, est largement affaibli sous l’effet des nouveaux choix relatifs à ses attributions et son fonctionnement. Ainsi la première version du projet constitutionnel publiée au journal officiel le 30 juin 2022, ne mentionne pas le scrutin

direct pour l’élection de l’Assemblée des représentants du peuple, ouvrant la voie aux spéculations sur l’éventuelle mise en place d’une première chambre élue au scrutin indirect. Ce doute fut dissipé par la deuxième version publiée, qui prévoit clairement le scrutin direct. Quant a la deuxième chambre, représentative des régions et des districts, elle sera élue indirectement. Cette inégalité des légitimités est de nature à affaiblir davantage le pouvoir législatif. De surcroit, bien que la révocation populaire des députés et l’extension du champs du référendum législatif, renforcent l’engagement public des citoyens, ces instruments de la démocratie semi directe pourraient être instrumentalisées pour resserrer l’étau sur le législatif.

Si la création d’une juridiction constitutionnelle apparait comme l’un des traits marquants du constitutionnalisme démocratique, la Cour dans le nouveau texte est profondément affaiblie si on la compare à celle prévue par la Constitution de 2014. Elle est exclusivement composée de magistrats, nommés par le Président de la République. Son domaine d’intervention porte uniquement sur le contrôle de constitutionnalité des textes juridiques, évinçant ainsi les autres attributions qui lui ont été confiées par la Constitution de 2014.

Quant a la division verticale du pouvoir, le projet opte pour une organisation centralisatrice du pouvoir ce qui constitue une régression par rapport à la Constitution de 2014 et même par rapport à celle de 1959. Seule une disposition laconique et rudimentaire est consacrée aux collectivités locales (article 133). Ni le concept de décentralisation, ni les principes qui lui sont traditionnellement inhérents (élection des conseils des Collectivités locales, personnalité juridique, autonomie administrative et financière, libre administration, subsidiarité…) ne sont prévus dans le projet.

– Le volet des droits et des libertés

La nouvelle Constitution reprend globalement le chapitre 2 de la Constitution de 2014 portant sur les droits et les libertés. Elle consacre les principes constitutionnels sur lesquels reposent les droits humains : l’égalité, non-discrimination, liberté et dignité ainsi que les différentes générations des droits : droits civils et politiques, droits économiques, sociaux et culturels, et les droits de solidarité (droits de la troisième génération) : droit au développement, droit à la paix, droit à un environnement sain… Des dispositions spécifiques visant les droits des femmes, des jeunes et des personnes handicapées sont aussi prévues.

Quant aux garanties des droits et libertés, le texte prévoit, comme la Constitution précédente, le principe de non-régression pour les droits consacrés, en écartant toute possibilité de révision susceptible de porter atteinte aux droits acquis. En revanche, on constate une régression dans la formulation de la clause de limitation des droits qui n’offre pas toutes les garanties

nécessaires. En effet, la disposition prévoyait dans un premier temps la moralité publique parmi les buts légitimes justifiant la limitation d’un droit, ce qui a été supprimée par la suite. Mais la disposition demeure toujours insuffisante s’agissant du principe de proportionnalité. Absent dans le premier texte, le principe tel qui il est formule dans la version finale est ambigu et offre des garanties inferieures a celles prévues en 2014. Le problème avec cette nouvelle disposition est qu’elle ouvre la porte aux interprétations les plus subjectives et fluctuantes pour apprécier la sécurité publique, l’ordre public, la santé publique…., sans contextualiser ces limites, en omettant de mentionner la trame de fond : une société démocratique. Il aurait été judicieux de prévoir que les droits peuvent être limités en termes de loi dans la mesure où la restriction est raisonnable et justifiable dans une société libre et démocratique fondée sur la dignité humaine, l’égalité et la liberté, en tenant compte de tous les facteurs pertinents (voire à titre d’exemple l’article 36 de la Constitution de l’Afrique du Sud). De même, le projet passe sous silence deux questions fondamentales auxquelles la Constitution précédente n’a pas répondu : quels sont les droits indérogeables qui sont dotés de force absolue et qui ne peuvent pour cette raison ni être supprimés, ni restreints dans leur application ? et quelles sont les garanties des droits et des libertés pendant les régimes de crises -Etat d’exception, état d’urgence- ?

Les garanties institutionnelles sont également éphémères dans la mesure où les individus n’ont pas le droit de déposer directement une plainte devant la Cour constitutionnelle mais uniquement par voie de recours préjudiciels canalisés par les juridictions. De même la Constitution ne prévoit pas la mise en place d’une instance indépendante des droits de l’homme, contrairement aux choix fait par la constitution de 2014 et aux reformes généralement mises en place dans le cadre des transitions démocratiques pendant ces dernières décennies avec la création d’institutions nationales indépendantes de défense des droits de l’homme. Ces institutions agissent indépendamment des pouvoirs politiques, en particulier de l’exécutif. Elles sont généralement habilitées à : faire des recommandations et des propositions aux autorités publiques ; présenter leurs examens et évaluations concernant les violations de droits de l’homme et leur mise en œuvre, sur la base de leurs propres enquêtes ; et donner suite aux plaintes individuelles ou de groupes concernant des violations de droits de l’homme.

Le volet normatif

Si le projet abroge l’article premier de la Constitution de 2014, hérité de la Constitution de 1959, en se contentant de préciser que la Tunisie, il opte pour le compromis consistant à souligner à la fois que l’islam est reconnu comme religion officielle et la garantie de la liberté de religion.

Mais contrairement a la Constitution de 2014, la teneur religieuse du texte se trouve plus prononcée avec la suppression de toute référence au caractère civil de l Etat qui suppose la différenciation entre le religieux et le politique.

En outre, l’Islam est à la fois un fait social historiquement ancré, une source de légitimité du pouvoir politique et un champ d’action publique fortement normalisé.

Bien que l’islam dans la Constitution tunisienne soit téléologique et nous renvoie à une école de pensée ouverte, modérée et tolérante, il n’en demeure pas moins que l’inscription du référentiel religieux au cœur de l’ordonnancement constitutionnel soulève des questions épineuses, notamment celles de l’ambiguïté des finalités de la sharia et ses interprétations, ce qui constitue une menace pour la sécurité juridique et le respect des droits et libertés. En effet, les finalités de l’Islam peuvent se prêter à diverses interprétations qui ne seront pas également compatibles avec la représentation universaliste des droits de l’homme. Cela soulève ainsi des interrogations sur les voies d’accommodement de ce référentiel religieux avec la primauté des conventions internationales ratifiées par la Tunisie et les avancées réalisées en matière de droits de l’homme.

Conclusion

Il est important d’interroger les desseins de ceux qui ont enterré rapidement la constitution de 2014 et la légitimité d’élaborer une nouvelle constitution pendant l’état d’exception. Les révisions des seules dispositions constitutionnelles en cause du dysfonctionnement institutionnel du régime politique et de la loi électorale pour la tenue d’élections législatives anticipées auraient été suffisantes.

En outre, la prolongation sine die des pouvoirs de crise inhérents à l’état d’exception ne font qu’amplifier les craintes des dérives autoritaires et des atteintes à l’Etat de droit. Néanmoins, la rupture avec la logique de l’exception et le retour à une logique de « normalité » est nécessaire pour sauvegarder la démocratie et pour entamer les véritables réformes de fond en Tunisie.

Ces différents processus doivent être engagés selon une dynamique participative et plurielle et viser le renforcement de l’efficacité du système politique tout en sauvegardant les acquis démocratiques. Il s’agit aussi pour les autorités de se concentrer sur les immenses défis économiques et sociaux et de ne pas voir parasiter leurs actions par des débats interminables d’acteurs politiques se disputant une parcelle de pouvoir sur des questions juridiques ou identitaires. La priorité aussi est d’apaiser le pays et de répondre aux no