Un épiphénomène dans l’Histoire d’un pays.

Parler de la femme et des élections, c’est mettre en évidence le rôle et la place consacrée à la moitié de la société et lui reconnaitre le droit de décider et de gérer cette société. Or, cette question a toujours posé problème. 

Lors d’élections législatives organisées en Algérie en juin 2021, seulement 8,35% de femmes sont parvenues à décrocher un siège parlementaire, alors qu’elles étaient 31,6% en 2012. Un score qui l’a propulsé en tête des pays arabes. Ceci, parce qu’une loi sur les quotas avait été votée, obligeant les partis aux quotas de 30% de femmes sur leurs listes. Mais avec les changements politiques que le pays a vécus, cette mesure législative a été mise en berne, préférant soutenir la participation des jeunes. 

En fait, la question du vote des femmes et leur éligibilité est un problème mondial. Et si certains ont opté pour le soutien de la participation des femmes dans la gestion du pays depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, pour des raisons historiques connues, certains Etats persistent à croire que « la femme n’est pas faite pour gérer ». En votant une loi sur les quotas, l’Algérie a montré sa volonté de rejoindre les Etats qui soutiennent l’émancipation de la femme et son insertion dans l’appareil de l’Etat, alors que le silence qui a suivi exprime le retrait de cette volonté. 

Rappelons que l’Algérie a vécu, depuis le 22 février 2019, une révolution pacifique où le peuple demande plus de liberté, plus d’égalité et plus d’initiatives citoyennes : C’est le « hirak ».

 Le hirak est un mouvement populaire qui s’est traduit par une série de manifestations sporadiques pour protester, dans un premier temps, contre la candidature du président, sur un fauteuil roulant, en poste depuis 20 ans, qui postule pour un cinquième mandat. La suite a été imprévue. Le président a retiré sa candidature mais l’armée s’est accaparée du pouvoir et a engagé une série de changements politiques, non sans répressions, allant à l’encontre des revendications. Rapidement, elle organise une série de modifications par la voie des urnes, imposant un président, puis intégrant de nouvelles mesures restrictives en changeant la Constitution, les membres du parlement, le Sénat et les maires. 

Bien sûr, le hirak continue de protester, mais les membres significatifs qui l’ont porté sont emprisonnés ou assignés à résidence, les regroupements sont interdits, les grandes villes sont scrupuleusement surveillées et les conditions des femmes, des libertés individuelles et de la démocratie sont de nouveau entre parenthèses. 

Pourtant, l’Algérie est connue pour la bravoure de ses femmes, leur sens du devoir et leur esprit de sacrifice. Lors de la guerre de libération, des milliers d’entre elles ont rejoint le maquis. Beaucoup ont été emprisonnées, torturées, violées, trainant des séquelles postindépendances qui ont fini par les emporter. Là encore, à la fin de la révolution, elles ont été éconduites vers leurs foyers de fortune, d’une extrême pauvreté que la guerre a engendrée. Au niveau de la gratification, ou de la participation politique, non seulement, aucune femme n’a été nommée ministre ou directeur d’entreprise ou autre responsabilité, mais l’Etat va instaurer un code de la famille qui maintient la femme dans un statut de mineur social et politique à vie. 

C’est seulement 14 ans après l’indépendance, en 1986, qu’une première femme a été nommée ministre, pour donner l’illusion d’un changement, face à une crise économique ardue, suite à un choc pétrolier prolongé. Mais ce gouvernement n’était pas féministe pour autant, puisque c’est celui-là qui a aussi ordonnancé le code de la famille. 

Par ailleurs, cette désignation ne s’inscrira pas dans la tradition. C’est plus de 5 ans plus tard, aux portes d’une guerre civile, que deux autres femmes seront aussi appelées à la rescousse. Comme la première, elles sont anciennes maquisardes, hautement diplômées, se distinguant ainsi de la majorité des hommes politiques ; et toutes ne passeront pas une année en poste. Après quoi, elles vont être nommées sénatrices à vie, avec des salaires 4 ou 5 fois supérieurs aux plus hautes rémunérations de cadres. Ce qui va expliquer la présence de quelques femmes, auprès des élus parlementaires. Ce n’est qu’à partir de 2002 que le gouvernement va s’habituer à octroyer quelques ministères à des femmes : la culture et la solidarité, en l’occurrence. Elles sont aujourd’hui 4 à 5 responsables de départements ministériels par gouvernements. Mais ce n’est jamais un acquis.

La situation des élues connaitra une évolution plus tragique encore. En 1962, elles étaient 10 femmes nommées par le président pour des services rendus à la nation, soit 5,2% de l’ensemble des députés ; en 1964, le taux va tomber à 2, soit 1,4%. En 1977, elles atteignent le nombre de 10 (3,4 %), puis 4 en 1982 (1,4 %) et 7 en 1986 (2,3 %). En 1994, en plein guerre civile, le Conseil National de Transition (CNT) va laisser passer 12 femmes députées, qui vont monter à 13 lors des élections de 1997 (3,2 %), pour grimper à 27 en 2002 (6,2 %). 

Le 12 janvier 2012, l’Etat fait passer la loi organique n° 12-03 qui détermine le taux de participations des femmes sur les listes électorales communales et législatives, entre 20 et 40% en fonction des localités. C’est ainsi que le nombre de femmes élues dans les législatives du 10 mai 2012 va atteindre le record de 147 élues, soit 31,6 %, puis retomber le 4 mai 2017 à 112 femmes soit 24%. Mais en 2021, le chiffre chute de nouveau à 8,35%. 

Que s’est-il passé ? 

En votant « la loi sur les quotas », un programme d’accompagnement pour optimiser son application et lui donner du sens, prévoit une démarche en amont qui consiste à encourager la féminisation des partis politiques, par l’application de trois exigences : la représentativité, la moralité et la maturité. Il est nécessaire pour cela de passer par une éducation et une sensibilisation, investir les établissements, les espaces politiques et les lieux publics pour optimiser les résultats et inscrire cette pratique dans la tradition. Ce qui n’a jamais été suivi de faits. 

Même si l’histoire a montré la responsabilité de la femme algérienne qui a fait porter d’immenses opérations de la révolution sur de frêles épaules de jeunes martyres comme Ourida Meddad, Hassiba ben Bouali ou Malika Gayed, lycéenne ou jeune institutrice, le politique continue d’imposer la domination masculine et le vote des femmes est de nouveau repoussé à plus loin. Ainsi, ce droit difficilement arraché et chèrement payé inscrit à chaque fois un nouveau chapitre de lutte féminine d’une Histoire contemporaine qui n’arrive pas à conclure à des accords de paix. 

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